Un homme s’avançait vers les murailles de la ville. Un inconnu, son visage dissimulé sous un masque de fer. Son pas, même s’il restait long et vigoureux, trahissait un voyage long et difficile.

Arrivé aux portes, il leva la tête et héla la garde, son poing serrant un parchemin.

« Holà, Loups du Vanaheim ! J’apporte un message pour une dame dénommée Isil. »

Le garde qui sommeillait sursauta et brandit instinctivement sa lance avant de constater que l'homme était seul. Un messager sans doute. Le garde l'observa par la meurtrière de la porte. Le masque de fer que l'inconnu portait ne lui disait rien qui vaille.
- Je vais voir ce qu'il veut, dit-il à son collège. Ouvre l'oeil et à la moindre alerte, appelle la garde.

Le militaire entrouvrit légèrement le lourd battant de bois ferré et sortit de l'enceinte protectrice du fort de la Meute en s'avançant jusqu'à l'étranger.
- Bonjour, dit le garde, soit le bienvenu à nos portes. Tu dis que tu as un message pour notre conseillère ? Tu peux me le confier. Elle le recevra séance tenante !

Il tendit la main vers le cavalier.

Siofra, comme à son habitude fesait sa ronde sur les remparts de la muraille de la forteresse. Elle avait vu l'étranger s'avançait vers les lourdes portes de cellet-ci. Ne loupant aucune miette de la conversation elle empoigna son arc et visa l'homme.

Elle murmura dans un dialecte peu connu:
"Pozor stran"

Ne bougeant plus elle attendit la suite des événements.

A la réponse du garde, la tête de l’homme s’abaissa de lassitude, et son poing retomba doucement.

« Je pense que tu ne m’as bien compris l’ami. J’apporte un message pour une dame dénommée Isil. L’homme qui me l’a confié m’a bien précisé de le lui remettre en mains propres. »

Relevant la tête vers la muraille, il ajouta

« Mais je comprends ; tes consignes ne te permettent sans doute pas de faire entrer un messager fatigué. Va donc quérir ton officier. Son nom est Jono si je ne m’abuse. Lui aura peut-être l’autorité nécessaire pour me permettre d’accomplir ma mission »

Le garde disparut et la porte se referma.
Quelques minutes plus tard un militaire à la haute stature et dont l'armure ornée dissimulait tant bien que mal un embonpoint naissant, apparut dans l'entrebâillement de la porte qui venait de se rouvrir.
- Bonjour l'ami, dit l'homme d'une voix forte, habituée au commandement. Sois le bienvenu au camp des Loups du Vanaheim.Suis moi... la conseillère Isil doit être quelque part dans les environs selon ce qu'elle m'a dit en sortant, nous la trouverons surement au bord de la rivière.

Il fit signe au garde de refermer les portes et partit au pas en direction du sud-ouest le long des hauts murs de bois.
- Ainsi l'ami tu as un message pour dame Isil ? Je suppose qu'il est indiscret de t'en demander son origine ?

Sans attendre de réponse, il s'engagea dans un petit escarpement qui descendait lentement vers le torrent qui dévalait de la basse montagne proche avant de se jeter dans le fleuve qui traversait le Poitain. Le grondement de l'eau était à présent audible. Quittant l'étroit sentier il obliqua à travers une petite prairie d'herbe bien grasse jonchée de coquelicots pour se diriger vers une étendue d'eau profonde et plus calme, coincée entre deux chutes d'eau et qui formait une sorte de petit lac.
- Attendez ici, l'ami ! Il convient d'abord de se renseigner sur l'état de la dame avant de vous la présenter. Si elle s'isole ainsi, c'est essentiellement parce qu'elle adore bronzer... heu... comment dire... enfin vous voyez.

Il fit encore quelques pas et s'arrêta derrière un rocher qui masquait les bords du petit lac, se racla la gorge et appela après une longue hésitation.
- Conseillère Isil ! Êtes-vous là ?

Quelques secondes plus tard une voix féminine lui répondit.
- Capitaine Jono ? Par Mitra, que faites-vous donc ici ?
- Je suis avec un messager qui souhaite vous délivrer un message important. L'homme est fatigué et j'ai pensé que cela ne pouvait attendre !
- Ah ? Je... attendez que je regagne la rive et que j'enfile ma tunique... je... ne suis pas visible pour l'instant.

L'embarras de la voix et le clapotis qui accompagna sa nage exprima fort bien dans quelle tenue la jeune femme devait se trouver. Jono toussota et regarda passer les oiseaux en sifflotant.

La voix reprit presque aussitôt.
- Vous pouvez venir avec votre visiteur capitaine.

Jono contourna le rocher et s'avança sur la rive fleurie. Son poing droit cogna sa cuirasse en guise de salut. Une jeune femme aux longs cheveux blonds comme les blés se tenait devant eux, drapée dans une serviette de soie qu'elle tenait serrée sur sa poitrine. Les gouttes d'eau qui ruisselaient encore sur sa peau bronzée luisaient au soleil de cette fin de printemps.

Isil fit un petit salut de la main en veillant à ce que le drap qui l'enveloppait en partie ne glisse pas le long de son corps.
- Pardonnez ma tenue, mais d'habitude, je ne reçois pas de visite durant mon bain, dit-elle d'une voix enjouée avec un large sourire sur le visage.

A la vue de la jeune femme, l’homme eu ce qui paru être un moment d’hésitation. Mais son masque ne laissait transparaître aucune émotion. Sa voix, toutefois, trahit un léger émoi.

Inclinant légèrement la tête, en gage de respect, il dit :

« Vous êtes telle que l’on m’avait décrite. La douceur et la beauté incarnée. »

Redressant le visage, il poursuivit :

« Mais je manque à mon premier devoir. Mon nom est Bethades. Je suis un voyageur, un érudit qui parcoure le monde à la recherche du savoir et des connaissances de Jadis. Et je viens vers vous honorer une dette en vous portant ce message ».

Il avança de quelques pas vers la jeune femme et lui tendit un parchemin scellé, couvert par la poussière d’un long voyage.

« L’homme qui me l’a confié m’a sauvé la vie alors que j’étais malmené par des brigands. Sans me connaître, il m’a porté secours et, en retour, il ne m’a rien demandé d’autre que de vous faire parvenir ce mot. »

Isil tendit maladroitement une main tout en essayant de conserver fermée la serviette qui la ceignait. Puis elle se demanda comment elle allait bien pouvoir faire pour décacheter le message sans se servir de l'autre main au risque de perdre "l'armure" de soie qui la protégeait des regards des deux hommes. Bien que l'archère n'était pas forcément pudique, il ne lui paraissait pas convenable d'exhiber sa nudité devant un émissaire inconnu.

Ce fut le bon capitaine Jono qui la sortit de l'embarras.
- Permettez-moi de la décacheter conseillère, proposa-t-il en s'avançant.

Isil lui tendit la lettre avec un regard reconnaissant. Le capitaine fit sauter le scellé et déploya le parchemin qu'il rendit à la jeune femme. Elle se mit à parcourir le document des yeux sans rien dire.

Les yeux de Isil se posèrent d'emblée vers le bas du parchemin comme on fait pour s'informer de l'auteur d'une lettre. Intantanément son visage blêmit et elle bafouilla.
- C'est... une let... tre de Arlandaes...


Elle se mit à lire silencieusement. La main qui tenait le parchemin tremblait légèrement. Sans doute pour tenter de cacher un trouble croissant, elle se retourna et fit quelque pas vers la rivière. La serviette de soie qu'elle tenait toujours serrée contre sa poitrine tombait bas dans le dos et Jono détourna un regard embarrassé pour éviter de regarder les fesses de la jeune femme.

Une minute passa dans le silence du son de la rivière égayé par des oiseaux querelleurs qui sautaient de branches en branches de quelques arbres fruitiers sauvages tous proches. Jono se râcla la gorge en regardant du coin de l'œil le messager.

Un instant plus tard, Isil fit de nouveau volte-face et revint près des deux hommes.
- Ainsi vous avez rencontré Arlandaes ? s'enquit-elle d'une voix mal ajustée. Comment va-t-il ?

Elle s'assit sur le bord d'une roche en croisant ses jambes pour remédier à l'impossibilité de descendre son linge en dessous des cuisses. La jeune femme fit un geste de tête en direction de l'homme pour lui désigner la roche à côté d'elle.
- Asseyez-vous un instant avec moi et parlez-moi de lui... comment vous l'avez rencontré ? Comment il va ? Est-il... heureux ?

Jono émit de nouveau un son embarrassé avec sa gorge avant de s'enquérir.
- Conseillère, voulez-vous que je reste ?

Isil fit non de la tête.
- Pas la peine capitaine, vous devez avoir suffisamment de travail pour que je ne vous retienne pas plus longtemps. Je vais m'entretenir un instant avec monsieur et...

Pour la première fois depuis qu'elle avait posé les yeux sur la lettre, un petit sourire lutin revint éclairer son visage inhabituellement grave.
- ... je vous promets de venir dans votre bureau vous faire un compte-rendu de ce que j'aurais appris !

A son tour Jono esquissa un sourire et salua bruyamment avant de tourner les talons et de repartir vers le fort.

Isil leva ses grands yeux bleus un peu troublés vers l'inconnu.
- Alors, vous me racontez ?

A l’invitation de la jeune femme, l’homme au masque alla la rejoindre et s’assoire sur le rocher.

«A voir votre visage, je pense que vous devez le connaître mieux que moi ; je ne sais pas trop quoi vous raconter ».

Son regard devint plus vague, comme s’il cherchait à se remémorer des événements d’un lointain passé.

« Lorsque nous nous sommes rencontrés, je rentrais d’un voyage en Hyrkanie, pays de Steppes, de cavaliers, et surtout de bandits. Mes pas m’avaient déjà ramenés à travers le Turan et la Brythunie, et je comptais rejoindre Tarentia au plus vite. C’est à la frontière Némédienne que nous nous sommes croisés. J’étais en mauvaise posture, agressé par plusieurs malandrins qui croyaient sans doute avoir affaire à un riche marchand ».

Il fit une pause et rit légèrement.

« Comme si ma richesse était matérielle. Je n’ai jamais plus d’une poignée de pièces de cuivre sur moi. ».

Comme il achevait sa phrase, sa tête oscillait de droite à gauche en signe de dépit.

« Bref, les choses ne tournaient pas en ma faveur quand une lame s’est interposée. Pas un question posée, pas un mot énoncé, et les voleurs gisaient dans leur sang ou s’encourraient à toute jambe. C’est alors qu’il s’est tourné vers moi, et avec une voix calme s’est enquérit de mon état. Nous avons voyagé ensemble ensuite quelques jours jusqu’à la cité libre de Lochlainn, qui jouxte la Némédie, la Brythunie et la Corinthie. Nous y avons fait halte. Lui pour s’y reposer quelques temps, moi pour reprendre des provisions et continuer ma route. »

Il fit encore une pause avant de poursuivre, baissant la tête et regardant ses pieds.

« Avant de nous quitter, je lui ai demandé comment je pouvais payer la dette que j’avais envers lui. Il l’a dit simplement ‘Si tu retournes en Aquilonie, va dans le Poitain ; tu y trouveras le camps des Loups du Vanaheim. Portes-y ce message à Isil.’. Et voilà qu’aujourd’hui, je peux m’acquitter de ma dette. »

Puis d’ajouter
« Mais je ne pense pas que cela réponde à vos questions. Lorsque je l’ai quitté, il était vivant et en bonne forme, du moins à ce que j’ai pu constater. Mais une longue route l’attend, car il se dirige maintenant vers le Kithai, bien au-delà du pays des steppes dont je reviens. Quand à savoir s’il est heureux……. Je ne sais. Il ne s’est jamais beaucoup ouvert. Mais j’ai toujours eu le sentiment d’un homme déchiré, portant sur ses épaules une responsabilité bien trop lourde pour lui ou pour son cœur. ».

Relavant enfin la tête vers la jeune femme, il conclu son discours
« Voilà, ma dame, tout ce que je peux vous dire de lui ».

Isil avait écouté sagement l'homme, les yeux baissés, le regard perdu dans des souvenirs. Quand il eut terminé son court récit, elle releva les yeux et les plongea dans son regard comme si elle avait voulu y trouver autre chose, une image. Ses prunelles scintillaient, embuées par quelques larmes qu'elle n'avait pu empêcher de naître.
- Merci, finit-elle par murmurer. Il est très important pour moi de le savoir en vie même si loin. Que ne donnerais-je pas pour pouvoir aller le rejoindre dans cette si lointaine contrée. Mais quand bien même je m'y rendrais, comme pourrais-je le retrouver dans d'aussi vastes étendues ?

Plissant les yeux, elle libéra une gouttelette qui glissa lentement sur sa joue satinée avant de tomber sur la roche. La jeune femme sourit tristement.
- C'est un être sensible et vaillant, tendre et courageux. Il... il dégage de lui une puissance protectrice qu'une femme ne peut que rechercher chez un homme. Mais je... il est si sombre parfois... il ne m'a... je n'ai jamais vraiment pu entrer dans son cœur pour y décrypter ce qu'il recherche vraiment. Je l'ai perdu avant même de l'avoir trouvé...

Elle haussa ses épaules en soupirant.
- Je suppose que je demande trop à la vie et que je devrais me contenter des choses plus simples qui me sont offertes. pourquoi chercher l'inaccessible quand on vous tend les bras par ailleurs ?

Se lèvres se pincèrent faisant apparaitre deux petites fossettes au creux de ses joues. Elle prit une profonde inspiration laissant sa poitrine s'élever entre ses bras croisés.
- En tout cas, je vous suis reconnaissante d'avoir détourné votre chemin pour m'apporter ces quelques nouvelles. Vous êtes l'hôte des Loups du Vanaheim aussi longtemps que vous le souhaiterez. Allez au fort. On vous y donnera le gîte et le couvert... et puis... attendez-moi quelques instants, je vais remonter avec vous à moins que vous ne souhaitiez repartir séance tenante.

Sans attendre de réponse elle se releva et fit quelques pas en direction de la rivière là où étaient étendus ses habits. Sans plus s'inquiéter d'être vue par l'inconnu, elle laissa choir voluptueusement la soie dont elle s'était en partie entourée et ramassa sa courte tunique blanche dans laquelle elle glissa ses formes gracieuses. L'étoffe flotta le long de ses flancs puis ondula sur le contour de ses hanches pour s'arrêter à mi-cuisses. Puis elle serra autour de sa fine taille une ceinture de cuir joliment ciselé et remit deux larges bracelets d'or à ses poignets. Lissant ses longs cheveux blonds avec ses doigts, elle les ajusta avec un fin serre-tête dont les pierres finement taillées brillaient au soleil tandis qu'elle glissait habilement ses pieds dans des sandales de cuir. Elle se retourna enfin en souriant, une lumière sur son visage. Elle paraissait soudainement heureuse.

Isil revint vers l'homme d'un pas léger presque sautillant qui faisait danser la profonde échancrure de son corsage. D'un ton enfantin elle lança vers l'homme.
- Et si je partais pour le Khitai ?

Bethades avait regardé la jeune femme s’habiller. Son changement d’humeur si soudain l’avait quelque peu pris au dépourvu.

« Le Kithai….. vous n’y songez pas sérieusement ma Dame ! En tout cas, pas sans une escorte armée. Si j’ai bien compris, vous êtes une des meneuses de cette troupe, les ‘Loups du Vanaheim’. Alors réquisitionnez-en quelques uns des plus forts pour vous accompagner. La route est longue et dangereuse. »

Puis, prenant une pose plus réfléchie, sa main droite soutenant son menton.

"Et d'ailleurs, par quelle route comptez-vous partir ?"

Isil s'élança à l'assaut du sentier qui remontait vers le fort après avoir arraché une jolie fleur bleue qu'elle planta dans ses cheveux.
- Voyons, dit-elle à haute voix sans regarder si l'homme la suivait ou non, j'ai le choix entre...

Elle se mit à compter sur ses doigts avec de grands gestes.
- ... continuer à m'ennuyer en haut de mon donjon à trier les papiers, signer les factures, aligner les comptes des dépenses et des recettes de la Meute... bref me dessécher comme une pauvre petite fleur au soleil de Styige... ou...

Elle dodelina de la tête faisant voleter ses longs et fins cheveux dorés.
- ... m'octroyer quelques semaines de vacances et m'offrir un voyage incognito vers le lointain Khitai... voyage long et dangereux selon notre visiteur... comme si j'étais pas de taille à me défendre... ouuuuu...

Elle s'arrêta et fit volte face en posant les mains sur ses hanches avec un sourire de défi vers l'homme.
- ... monter une expédition militaire hasardeuse pour un motif personnel quitte à prendre en défaut la diplomatie de la Meute dans un pays fort mal connu de notre part...

Un rire fusa tandis qu'elle passait vigoureusement sa main sous le menton en faisant mine de réfléchir comme l'avait fait l'homme un instant auparavant, les yeux pétillants de malice.
- Si je devais aller en Khitai, ce serait plutôt incognito au nom d'une certaine mission que notre bon roi Conan m'a proposée l'autre jour de mener à bien pour son compte... entre deux tentatives pour me peloter... le genre de mission à accomplir seule, discrètement, ou en tout petit comité... que me conseilleriez-vous monsieur l'étranger ?

Elle papillota des yeux en inclinant la tête.
- Me faire passer pour une marchande, une diplomate ou une fille de joie, continua-t-elle en caressant ostensiblement les formes arrondies de ses seins d'un geste provocateur ?

Puis elle repartit en accentuant son déhanché d'un pas enjoué.
- Si je devais y aller, je trouverais bien à Khemi une caravane... l'horreur c'est que...

La jeune femme se retourna et fit une affreuse grimace.
- ... pour aller à Khemi, le plus rapide c'est le bateau et je suis horriblement malade en mer... beurk...

Elle ponctua sa tirade d'une simulation cocasse de convulsions avant de reprendre la direction des portes toutes proches à présent.

Bethades n’en croyait pas ses yeux ni ses oreilles….. La jeune femme était passée de la mélancolie à une joie frénétique en quelques secondes. Et avant même qu’il ait pu ajouter quoi que se soit, Isil était déjà sur le chemin du camp de la Meute, se parlant à elle-même

« Elle est folle ! » songea-t-il.

Puis il se mis en devoir de la suivre, assumant un pas de charge pour la rattraper et tenter de suivre son soliloque. Reprenant son souffle, et n’ayant capté que les dernières phrases, il lui répondit d’une voix lasse

« Certes, ma Dame, des caravanes partent régulièrement vers l’est depuis Khemi. Une partie du voyage en bateau, une autre à travers la terre et les déserts. Mais voyager seule, surtout pour ….. »

Il s’arrêta quelques instants pour peser ses mots en la regardant.

« ….une femme de votre qualité, serait suicidaire. Je ne saurais trop vous recommander de prendre, si ce n’est toute votre Meute, ne fusse que quelques solides soldats avec vous. »

- Une escorte militaire serait la meilleure façon d'attirer l'attention, répondit-elle tandis que les portes du fort s'entrouvraient. Seule je me fondrai dans les colonnes de marchands qui vont et viennent dans ce pays... Quoique...

Elle s'arrêta pour se retourner vers l'homme.
- Évidemment, un compagnon de voyage ne serait sans doute pas de trop... je suppose que dans certains pays il vaut mieux passer pour une fidèle épouse qui suit sagement son mari que pour une femme qui voyage seule... Vous n'êtes pas intéressé par un voyage au Khitaï ? Que diriez-vous d'une épouse douce et câline comme moi ?

Elle s'inclina vers lui de biais avec un grand sourire et des yeux lutins en battant des paupières plusieurs fois.

Surpris par la proposition, l’homme recula d’un pas sous l’effet de la surprise.

« Vous lier à moi ? Mitra ! Mais nous ne nous connaissons même pas. Il y a moins d’une demi-heure, vous ignoriez encore mon existence. Comment savez-vous si je ne finirai pas par vous vendre comme esclave sur un marché oriental ? »

Se redressant de toute sa stature, il ajouta

« Vous me flattez, mais l’un de vos Loups sera sûrement un meilleur protecteur. En cas de troubles, de quelle utilité vous sera un sage comme moi ? »

Isil se mit à rire devant l'attitude décontenancée de l'homme.
- Je suis sûre que vous auriez tiré un très bon prix de ma vente... vous n'avez pas le sens des affaires ! Et puis, je ne serais pas tombée dans vos bras le premier soir... ni le suivant... peut-être même pas le suivant... c'était juste une proposition de faux-semblant que j'évoquais monsieur le sage... histoire de donner le change... même si la situation aurait peut-être eu pour vous quelques avantages...

Elle balaya l'air de la main, toujours avec un rire espiègle puis passa sensuellement ses mains sur son corps en soulignant ses formes gracieuses.
- Mais n'en parlons plus... vous ne savez pas ce que vous perdez...

Puis redevenant un tantinet plus sérieuse elle ajouta avec un clin d'oeil.
- Ne sous-estimez pas l'aide qu'un sage peut apporter dans un aussi long voyage vers des terres inconnues... parfois un homme avisé vaut mieux qu'une brute...

Isil pénétra dans l'enceinte du camp, s'arrêta et se retourna.
- Je trouverais le meilleur moyen d'aller en Khitai si cela me sied. Votre message a été délivré et je vous en remercie car il m'a réchauffé le coeur. Souhaitez-vous rester un peu avec nous ou désirez-vous reprendre votre route ?

L'homme regarda la jeune femme un moment, comme s'il semblait hésiter.

"Décidemment, vos propositions sont toujours alléchantes. Mais non, je suis un Voyageur, et mon destin est de parcourir le monde. Effectivement, ma mission ici est achevée. J'ai honoré ma dette et peu m'en retourner à mes affaires."

Après un salut de la tête, il fit quelques pas en direction du village au loin, puis s'arrêta et se retourna pour ajouter

"Que les dieux vous gardent, Isil des Loups du Vanaheim. Puissent-ils vous garder des dangers, quelque soit le chemin que vous décidiez de prendre."

Et sur ses paroles, il reprit la route.